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Echoes
Jeu 25 Avr - 6:04
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Une vie est faites de longs échos, persistants, arrogants, venant à surgir des affres de réminiscences douloureuses, prête à reprendre le prix de leurs revanches sur un temps impuissant. Comme une sorte de résonance limbique. Aigre. Faites d'émotions palpables et de visions intangibles. Comme caresser l'envers d'un voile sibyllin, tout en sachant les formes, les contours, de ces silhouettes, qui l'attende. Là bas. Perchées. Derrières leurs rideaux hyalins. De leurs dos, qui se tournent, et finissent par l'aveugler de leurs ombres opaques. Voraces. Enténébrées. Tel le squame froid, meurtrier, d'un reptile avide de vices atrophiés. L'absence étrangère d’œillades érubescentes et la vision solitaire de corps enchevêtrés pour combler le néant, les questions laissées en suspend. Celles qui résonnent. Encore. Et encore. Comme un souffle d'outre-monde, de l'envers d'une cage boisée, s'extirpant de la fange, jusqu'à venir lacérer, déchirer son derme ocreux de ses griffes froides, meurtrières. L'eau froide dévalant en piqûre glaciale sur sa peau lui donnait ce même frisson désagréable, familier, de lames gelées écartelant ses chairs en tintements cristallins.  

Et lorsque le robinet couina au passage de ses doigts, l'eau ruisselante cessant sa pluie de larmes translucides, le froid tomba à nouveau sur son derme ocreux. Comme une sorte de paralysie angoissante, rendant ses membres amorphes, éteins, d'eux-mêmes, de leurs propres volontés. Dans les méandres d'une torpeur anarchique. Un souffle, puis un autre, pour réanimer la chair léthargique et voilà que ses longues mains, fines et déliées vinrent à se soutenir au lavabo. Ses orbes claires, basculant jusqu'aux reflets d'une âme dentelée, de prunelles azuréennes le toisant de leurs férocités implacables. De traits qu'il n'avait pu apercevoir que de rares fois, constellés dans une myriades de mémoires embrasés. Et lorsque la buée de son souffle court avait fini par le couvrir de brume, il se redressa.

Comme aux aguets. Sa dextre et sa senestre tremblante enroulant une serviette autour de sa taille toute en muscles noueux. Ses pieds humides manquèrent de chuter contre le carrelage et sa main, basculant jusqu'à un interrupteur perché sur les murs du corridor étroit. Comme un soulagement qu'Ati ne sois pas ici, cette fois. À le voir déambuler tel un spectre échoué, horrifié par ses propres tourments dans les détours de l'appartement étriqué. Il le connaissait, son cousin. Comme un frère, auprès du quel il pouvait se reposer sans crainte. Bien qu'il ne l'avait jamais réellement fait. Du moins, pas délibérément. Il l'avait appris, avec le temps. La solitude, les incidents et les perturbations. À ne compter que sur lui-même. Mais le tatoué lui avait sauvé la mise en lui offrant un refuge chez lui, qu'il espérait de courte durée, afin de lui laisser le repos de son intimité.

Un foyer. Une maison. Tout ce dont il avait eu besoin. Tout ce qu'ils lui avaient repris, en un claquement de doigts. Parce que la plupart des choses en cette terre, étaient éphémères. Et en regardant le pilulier plein de panacées, il se dit peut-être, dans un rire vain, désabusée, que ça aussi. Ne serait que de courte durée.

~~

Sous les dernières lueurs pâles, maladives, de son smartphone, il s'était enfuis. Parti. Là. Rejoindre les échos tonitruants de la nuit. De sa chemise érubescente, pourpre, habillé comme le diable en quête de pécheurs. Comme un chasseur noctambule à la conquête d'une proie. Il s'était faufilé sous les néons acides d'une enseigne emplie, noir de monde. D'une foule endiablée suave, remuant leurs corps au rythme de mélodies fiévreuses. Un cocktail familier d'effluves moites et de liquides éthyliques. D'une langue chantante parvenant à ses oreilles en une mélopée accoutumée.

Peut-être parce que ce bar, il le fréquentais depuis sa venue. Depuis qu'Ati et lui s'était lancé un stupide pari aux abords de l'une de ses tables ombragées, leurs verres en mains tintant, résonnant en un éclat cristallin. Jusqu'à ce que son cousin ne lui donne le défi de partir accoster l'un de ces types qui l'avait vu entrer, cette fois-là. La suite de ce qu'il s'était passé n'était qu'un amas de réminiscences vagues, nébuleuses. Et au petit matin, le vestige de ses vêtements éparpillés dans le salon de celui-ci. Et la vision de ces deux corps ensommeillés, entrelacés, aux pieds du canapé.

Mais ce soir. Il n'y avait pas de défi. Aucun triomphe. Seulement l'envie. La découverte. Comme à tâtons. Adi. Adinasah. Il se l'étais pourtant répéter, ces simples syllabes, sans parvenir à en saisir leurs réelles sonorités. Lui. Et ses prunelles trop claires, lui et son corps sur lequel bavait cette encre en arabesques absconses. Comme s'il s'étais agis de glyphes. De clef. Vers un au-delà de dunes ocreuses, fermes. Lorsqu'il avait dû rentrer en urgence lors de leurs premiers échanges, ses poings avaient finis par rejeter toute leurs frustrations coupables contre l'un des sac de frappe de son hermano.

Et là. Ses prunelles azuréennes, translucides, à basculer de crinières en crinières. De visage en visage. Jusqu'à ce qu'il ne l'aperçoive. Là. Près du bar. Un verre en main. Serein et confiant. En s'approchant, se frayant un chemin à travers la foule, jusqu'à ce qu'ils se fassent finalement face. Il se rendit compte à quel point les photos de lui postées sur son profil n'était qu'une pâle copie de la réalité. Il le contempla. Là. Ses traits. Sa mâchoire couverte d'ombres rugueuses, ses lippes aux reliefs galbés, aux quelles il s'imaginait déjà se confronter, le vert d'eau de ses prunelles. Une marque intangible. S'effritant, disparaissant, en une nuée d'échos à même les tombeaux vide de sa psyché.

Et puis un sourire. À lui rendre au sien. Un pas de plus et voilà que sa main venait à s'accrocher à son verre pour le reposer dans son dos. Là. Contre le zinc du bar. Confiant, en fauve nocturne, fougueux, à empoigner sa main dans la sienne. Ce sourire, presque bête, rêveur, figé aux abords de ses lippes.

«  Danse avec moi, chico guapo. »

Sa voix, ce timbre guttural, enjôleur, à peine perceptible sous l'envolée pétulantes de basses vibrantes. Leurs doigts entremêlés, dans ce dédale labyrinthique de chair dansante et de néons aveuglants, il l'emporta avec lui, jusqu'à finalement le relâcher. Ses membres se mouvant d'eux-mêmes au rythme effréné des résonances saccadées. Le frôlant, le titillant. Lui. Avec ces traits sur lesquels on aurait pu lire comme dans un livre ouvert. Ce sourire si large, ses mains s'entrechoquant l'une dans l'autre. Incapable de retenir l'éveil de la fougue déclenchée à son regard.

D'un mouvement de la main, il lui fit signe de se rapprocher jusqu'à se pencher près de son oreille.

«  Tu vois, j'ai tenu ma promesse. Je ne m'échapperais pas cette fois. »

Son nez humant un court instant les effluves entêtantes, boisées de sa propre fragrance. Et puis, de façon presque naturelle, ses mains glissèrent dans les siennes, ses doigts caressant ses paumes de façon fugace, remontant jusqu'à ses épaules, puis sa nuque sur laquelle il vint à prendre appuie. Là. Ils étaient assez proche pour mieux se comprendre sous le vacarme tonitruant du club. Une simple excuse, face à la véracité de ses pensées.

«  Je suis content que tu sois venu. »



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